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7 novembre 2025 | 14:01 CET

À qui profite le Shein ?

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Le BHV, un des temples du commerce en France (Fernanda Peruzzo/CoStar)

L’ouverture du premier magasin Shein à Paris, qui plus est dans l’un des temples du commerce, aura saturé l’espace médiatique cette semaine… et les allées du Mapic, le salon de l’immobilier commercial à Cannes. Digne d’une série Netflix depuis l’affiche un brin provocatrice sur la devanture du BHV jusqu’au scandale des poupées pour détraqués sexuels mises en vente sur une plate-forme que tout un chacun abhorre autant qu’il la craint.

Frédéric Merlin, le patron de la Société des Grands Magasins (SGM), a réussi à faire l’unanimité parmi les professionnels du commerce contre lui. Tous voient dans Shein un cheval de Troie. Lors du French Summit organisé au Mapic, Antoine Grolin, président de Nhood, et parlant presque au nom de toute la famille Mulliez, a appelé à ne pas perdre la « bataille du sens ». Il a raison. Mais il ne faut pas perdre la bataille… tout court.

Pragmatique, comme toujours, Alain Taravella, président d’Altarea, n’a pas manqué de souligner que d’autres plates-formes voudront ouvrir des espaces de vente physiques. Chance ou risque ? Il n’en sait rien. « Mais cela va devenir une réalité. »

Et cette réalité est révélatrice de plusieurs malaises. D’abord, celui de la distorsion de concurrence entre des acteurs surréglementés et surtaxés d’un côté, et des acteurs qui s’affranchissent de toutes règles commerciales et de toutes normes. Je laisse volontairement de côté l’aspect éthique et moral qui n’en est pas moins critiquable.

Le malaise est double quand on voit l’inaction des pouvoirs publics à empêcher un fraudeur d’opérer en France. Nombreuses ont été les réactions des politiques qui se sont drapés dans leur morale de premier communiant comme pour mieux s’affranchir de leur cécité. C’est le sentiment d’impunité qui prédomine chez de nombreux commerçants, entrepreneurs, dirigeants d’entreprises plombés par les charges et les normes alors qu’il est tout à fait possible de déférence, et même de bloquer des plates-formes qui sont tout bonnement hors-la-loi.

Le malaise est triple quand on voit l’absence de stratégie politique à l’échelle nationale comme européenne, ou encore l’inanité des mesures préconisées. Comme celle qui émane d’un énième rapport pour sauver le commerce et qui plaide… pour une taxation des entrepôts. Un peu comme si plutôt que de se libérer, on allait enchaîner le voisin.

Le mérite de Frédéric Merlin aura été de nous mettre face à nos contradictions. Et face à nos défis. Ils étaient 8 000 à l’ouverture du premier magasin Shein. Ce ne sont pas les chiffres de la police ni des syndicats – tous deux présents ce mercredi –, mais ceux du BHV. Des chiffres que le grand magasin n’avait pas vus depuis longtemps.