La Bourse a toujours un temps d’avance sur l’économie réelle. Le propre des marchés financiers est d’anticiper et parfois – même souvent – d’exagérer les tendances. Aussi est-il intéressant, à la veille des résultats trimestriels, de se pencher sur le compartiment immobilier des Bourses européennes. Le rallye qu’ont connu les foncières en novembre dernier est quelque peu retombé. La faute à cette baisse des taux d’intérêt qui ne vient pas.
Pour autant, les observateurs du secteur n’abdiquent pas. La baisse des taux est toujours un scénario privilégié, même si celui-ci est réécrit en permanence. Le marché estime à près de 50 % la probabilité d’une baisse des taux directeurs de la FED d’ici juin, quand bien même l’emploi résiste aux USA et que l’inflation reste au-dessus des prévisions. Il en va de même en Europe. François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, a annoncé une première baisse des taux de la Banque centrale européenne (BCE) en juin. « Sauf surprise. »
L’essentiel des mauvaises nouvelles semble déjà « pricé ». Les cours des foncières cotées ont déjà pris en compte les baisses des valeurs de l’immobilier physique. Elles disposent même d’un coussin de sécurité puisqu’elles intègrent une baisse potentielle de 18 % de la valeur des portefeuilles d’actifs en dépit d’une chute à deux chiffres en 2022 et 2023, estime une note de Jefferies.
Le mur de la dette a été visiblement franchi à en croire Laurent Saint Aubin, Head of Equity Fund Manager chez Sofidy, qui retient que le refinancement bancaire a pris le relais de l’obligataire. Les enjeux de refinancement ne devraient pas peser cette année, confirme Jefferies.
Au-delà des mauvaises nouvelles, ce sont peut-être les bonnes qui rassurent les investisseurs. Les foncières ont préservé les cash flows, les revenus locatifs pour 2023 étant même supérieurs aux attentes des analystes. L’immobilier a joué son rôle de bouclier contre l’inflation, l’indexation étant passée auprès de l’essentiel des locataires. Au final, le moteur du locatif est solide, avec des croissances de revenus supérieures à 6 % dans le commerce et la logistique, et même de 5 % dans le bureau.
Le secteur de l’immobilier coté est prêt à un nouveau rebond et peut revendiquer de solides arguments pour réintéresser les investisseurs. L’immobilier reste une valeur de rendement qui, avec un coupon moyen de 5,8 %, rivalise aujourd’hui avec les placements obligataires. Il peut redevenir une valeur de croissance si la décote des cours de Bourse avec l’ANR se réduit. Jefferies s’attend à un total return supérieur à 20 % d’ici fin 2025.
Un dicton dit qu’il faut savoir vendre au son du violon et acheter au son du canon. À condition que ce dernier ne tonne pas dans le monde réel. Les tensions géopolitiques pourraient être cette « surprise » qui invite les banques centrales à procrastiner une nouvelle fois sur la baisse des taux.