L’ensemble des professionnels de l’immobilier a manifesté, légitimement, une double satisfaction avec l’instauration d’un ministère du Logement (et de la Rénovation urbaine) de plein exercice, avec à sa tête une fine connaisseuse de ce domaine, Valérie Létard, élue locale et engagée de longue date sur ces problématiques.
Restait à entendre le Premier ministre sur son programme : le logement y a été cité et, contrairement aux nombreuses interpellations des représentants de la profession, il n’y a pas été fait mention d’un « Grand Plan logement » ou d’un « Grenelle du logement ».
Et pourtant, plusieurs bonnes nouvelles émanent de ce discours.
Première bonne nouvelle : l’heure n’est plus aux diagnostics, pistes de relance et renvois de responsabilités passées. Mettre en œuvre un tel dispositif aurait été à la fois un retour deux à trois ans en arrière (commission Rebsamen, CNR… tout a déjà été dit) et surtout aurait été le meilleur moyen de retarder toute initiative concrète.
Seconde bonne nouvelle : l’enjeu du logement est enfin reconnu comme une priorité sociale et économique, au-delà du traditionnel enjeu comptable et budgétaire.
Troisième bonne nouvelle : cet enjeu – qui curieusement n’apparaissait pas explicitement dans les sondages comme préoccupation prioritaire des Français – n’est plus « dissimulé » derrière le pouvoir d’achat. Il devient une donnée autonome, légitime puisqu’il s’agit du premier poste de dépense des ménages.
Quatrième bonne nouvelle enfin : l’immobilier est présenté comme une donnée déterminante de l’attractivité des territoires et de l’emploi, ce qui en fait un domaine qui n’est plus du simple ressort sociétal et redonne la main aux élus locaux pour en définir les priorités.
Finalement, que retenir des premières pistes évoquées par le Premier ministre ?
Tout d’abord, des propositions pour que la « machine immobilière » ne s’éteigne pas totalement : comme dans les usines sidérurgiques, quand les forges s’arrêtent, leur redémarrage est long, coûteux et incertain.
Côté stimulation de la demande, l’élargissement du PTZ et un possible maintien (même temporaire) du Pinel pourraient passer sous les fourches caudines de Bercy, maintenant que les impacts fiscaux immédiats d’une sous-activité immobilière sont reconnus. Et éviteraient ainsi l’impact procyclique de leur arrêt au « timing » mal choisi par les gouvernements précédents.
Côté stimulation de l’offre, les signaux d’une modération dans la mise en œuvre temporelle du ZAN, des restrictions DPE et plus largement des normes surajoutées, pourraient à peu de frais réduire les tensions dans l’offre immobilière – sans bien entendu que leurs objectifs finaux soient remis en cause.
Deux axes simples à effet rapide donc, car ne nécessitant pas un « grand soir de l’immobilier », n’obérant pas significativement le solde fiscal du logement et pouvant – surtout – constituer des axes consensuels en temps de majorité fragile.
Bien entendu, restent entières les pistes qui ont déjà été analysées par tous les acteurs de la chaîne, mais qui risquent de ne pas être mises en œuvre avant les prochaines échéances municipales : redonner aux élus locaux le goût et les moyens de construire, agir résolument sur le poids du foncier pour en abaisser le coût, soutenir l’investissement locatif pour fluidifier un marché bloqué tant dans le secteur social que privé, favoriser la régénération urbaine, moins émissive.
Pour tout cela, des propositions à faible impact budgétaire sont sur la table : application stricte des PLU sans « chartes » additionnelles et sans anticipations de normes futures, facilitation réglementaire pour l’immobilier obsolète en vue de sa transformation d’usage, desserrement des règles HSCF pour les investisseurs locatifs, inversion des règles de taxation des plus-values pour les fonciers inactifs… pour n’en citer que quelques-unes.
Les grands sujets de fond devront sans doute, eux, attendre une prochaine mandature : quelle place donner à l’épargne privée pour soutenir l’immobilier résidentiel (statut du loueur privé, foncières résidentielles…) ? Quel modèle de péréquation financière entre logement privé et social ?, comment lutter contre le Nimby (Not In My Backyard) ?
Autant de questions que se posent de nombreux pays en Europe et ailleurs.