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6 février 2025 | 16:29 CET

La crise du logement est celle de tous les Français

Thierry Herrmann, président de la commission Logement de la FEI
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La crise du logement n’est donc pas celle des mal-logés. Elle est celle de tous les Français, selon Thierry Herrmann (Adobe Stock / Kiattisak)
Par Thierry Herrmann, président de la commission Logement de la FEI

La crise du logement n’est pas une des innombrables conséquences de la crise profonde que traversent l’État, l’économie et la société françaises. Elle est l’épicentre d’un séisme dont les secousses se font sentir dans des domaines aussi variés que l’ordre public, l’éducation, la santé, la vie démocratique ou encore la vitalité du tissu industriel. Sans aller jusqu’à reprendre l’adage bourgeois du XIXe siècle selon lequel « les sans feu ni lieu sont les sans foi ni loi », force est de constater que le mal-logement condamne ceux qu’il frappe à une précarité économique, une rétrogradation sociale, une citoyenneté incertaine qui les empêchent concrètement de « faire société ». À défaut de traiter radicalement, c’est-à-dire à la racine, la question du logement, aucun gouvernement ne saurait restaurer le vivre-ensemble auquel aspire le plus grand nombre.

C’est en permettant à chacun de devenir pleinement et décemment « habitant », c’est-à-dire « résident », que la France pourra tenir les promesses de sa devise, en l’espèce : liberté de s’établir au gré des événements qui adviennent dans une vie ; égalité en dignité des habitations qui fonde concrètement l’égalité plus abstraite des droits ; fraternité pratique vécue à l’échelle de l’immeuble, de la rue ou du quartier où prend sa source la fraternité à plus grande échelle.

La crise du logement n’est donc pas celle des mal-logés. Elle est celle de tous les Français. Les familles, les étudiants et les travailleurs sont tous concernés.

Aujourd’hui, cette crise s'aggrave et vient à la fois, paradoxalement, creuser et figer les inégalités. Elle rend vaines les politiques économiques et sociales qui postulent, dans la continuité des Trente Glorieuses, à une égalité relative de tous face à la question du logement. Elle prive d’emploi les plus précaires en même temps qu’elle prive de main-d’œuvre nombre de secteurs de l’économie.

Depuis plusieurs mois, les rapports se multiplient, les commissions tirent la sonnette d'alarme et fournissent des chiffres alarmants. Moins de 200 000 nouveaux logements ont été construits cette année, et les prix ne baissent pas dans les zones tendues. Les autorités envisagent-elles des solutions ? Ce constat est connu de tous. Ce n’est pas l'État qui va faire baisser les prix de l'immobilier.

Le président de la République souhaite mobiliser l'épargne pour financer des start-up plutôt que l'immobilier. On a fait l'IFI, pour remplacer l'ISF, afin de recentrer les prélèvements sur le secteur immobilier. Pourtant, les Français apprécient l'investissement dans la pierre et aspirent à se loger, tandis que d'autres souhaitent investir. La seule réalité, c'est que l’on construit moins tout en augmentant les taxes.

Dans un contexte où les finances publiques sont à sec, il y a moins de nouveaux projets, ce qui signifie moins de TVA immobilière et moins de droits de mutation. La base imposable se réduit, mais les taxes continuent d'augmenter. On augmente les droits de mutation alors qu'on devrait relancer la machine. C'est un non-sens très grave.

Il est tout à fait nécessaire de rendre l'immobilier plus respectueux de l'environnement, mais à quel coût ? Si nous construisons davantage de logements neufs, ils respecteront les normes en vigueur et seront tout à fait ESG, mais en freinant la réalisation de nombreux projets, on n’obtient rien de bon.

L'État ne peut y parvenir seul ; nous avons besoin de l'épargne des Français. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un nouveau dispositif qui peut ressembler au Pinel, qui orienterait l'épargne vers le secteur immobilier et offrirait un statut aux bailleurs privés désireux d'investir dans la pierre, même pour le secteur intermédiaire.

Le véritable changement doit venir de la simplification des autorisations de construire. Pour construire davantage, il faut réduire les délais de recours, limiter le nombre d'intervenants lors des demandes de permis et éviter les abus qui bloquent les projets inutilement. Le millefeuille administratif asphyxie le secteur immobilier et aggrave la crise à laquelle il est supposé apporter une réponse. Un véritable changement dans le secteur de la construction nécessite une vision audacieuse et une volonté politique forte. En simplifiant les processus, en favorisant la collaboration et en intégrant l'innovation, nous pourrons enfin espérer sortir de l'impasse et répondre aux défis du logement de manière durable et efficace.

Les conséquences sociales et économiques pourraient être dramatiques, et les sous-traitants s'inquiètent déjà, ainsi que tous les acteurs de l'immobilier.

La densification des projets immobiliers dans les zones urbaines est cruciale pour faire face à la demande croissante de logements dans ces secteurs, tout en optimisant l'utilisation de l'espace urbain disponible.

Un plan national de réhabilitation des friches industrielles est nécessaire : il s'agit de transformer d'anciennes zones industrielles ou des terrains vacants en projets résidentiels ou mixtes, ce qui permet de limiter l'étalement urbain tout en revitalisant des quartiers entiers.

Il est également essentiel d'améliorer l'utilisation des espaces verticaux : intégrer des constructions en hauteur dans le paysage urbain tout en respectant l'architecture existante.

Enfin, il convient de promouvoir les projets de colocation ou cohabitation : encourager des modèles d'habitat participatif qui favorisent le partage d'espaces communs, réduisant ainsi le besoin d'espaces privés et renforçant les liens au sein des communautés.

L'immobilier est un secteur à long terme. Avec les élections municipales et présidentielles qui approchent, tout le monde semble à nouveau paralysé.

Comme l’écrit Saint-Exupéry, « Il faut donner avant de recevoir – et bâtir avant d’habiter. » Alors que la société française se divise et se polarise, la question du logement est l’occasion pour les pouvoirs publics de remettre le pays à l’endroit en construisant l’avenir plutôt que de le craindre, de le rêver, de le revendiquer ou de le subir. Dans cet esprit des bâtisseurs, chaque logement construit sera une avancée en termes de cohésion sociale, de vie démocratique et de vitalité économique.