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7 novembre 2024 | 15:44 CET

La biodiversité ne doit plus être l'angle mort de l'immobilier durable

Par Catherine Lefebvre, écologue et directrice de la biodiversité chez CBRE France
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(Sofia / Adobe Stock)
Par Catherine Lefebvre, écologue et directrice de la biodiversité chez CBRE France

Concentrée sur la réduction des émissions de CO2, l’économie oublie trop souvent la biodiversité, alors que faune et flore sont la garantie d’une planète viable. Dans l’immobilier, le sujet rencontre encore de timides efforts quand ce ne sont pas les solutions gadgets qui l’emportent.

En concentrant l’attention sur le changement climatique, phénomène mondial et inédit, la transition écologique oublie trop souvent la bataille pour le vivant dont nous faisons tous partie. La société civile, les citoyens et les dirigeants connaissent les objectifs de limite du réchauffement planétaire de 1,5°, du 30 % de réduction des émissions ou du « Net Zéro » de 2050. Peu sont capables de citer les 30 % de restauration des milieux dégradés d'ici 2030. La biodiversité passe souvent au second plan. Et l’immobilier, qui a pourtant pris sérieusement le tournant de la décarbonation, n’échappe pas au phénomène.

Deux erreurs sont couramment commises dans l’immobilier sur la biodiversité : le cosmétique et le fatalisme.

La première erreur consiste à croire qu’il suffirait de quelques murs végétalisés ou de ruches sur les toits pour sauver la biodiversité. Ce sont des mesures utiles et plaisantes, mais insuffisantes face à l’effondrement du vivant.

La seconde erreur c’est de penser qu’on ne pourrait plus agir sur les bâtiments et les quartiers existants, que les cœurs de ville seraient condamnés soit aux gadgets soit à l’inaction : c’est faux ! Des centres urbains les plus denses aux couronnes étalées, il est possible de préserver et de participer à la régénération du vivant.

Pour agir, il faut changer d’approche.

Rappelons que protéger la biodiversité implique d’intervenir dans et pour la nature. Il faut restaurer ce qui a été dégradé.

Le secteur de l’immobilier doit également raisonner en écosystème. La biodiversité est faite d’interactions, de connexions étroites ou de relations en saut de puce pour la faune comme pour la flore. Toutes les espèces sont interdépendantes.

Et il existe plusieurs outils au service de l'immobilier pour les relier. Les trames vertes sont des corridors de nature qui assurent des connexions entre les espaces verts tout en réduisant le phénomène d’îlots de chaleur. Les trames bleues concernent les zones humides et tout type de cours d’eau, urbains ou non, qui forment un réseau écologique et paysager. Enfin, les trames noires sont des corridors d’obscurité pour toutes les espèces nocturnes (chauve-souris, rapaces nocturnes, insectes, etc.).

Pour déployer ce réseau du vivant, l’expertise scientifique et écologique est essentielle. Elle permet de poser le bon diagnostic des espèces animales et végétales à faire intervenir (indigènes, adaptées aux conditions pédoclimatiques du lieu, etc.).

Cette expertise permet aussi d'orienter les choix des organisations dans leur consommation d’énergie : réduction de l’éclairage nocturne, baisse de la consommation d’eau pour les espaces verts par la récupération des eaux de pluie, amélioration de l’isolation par la végétalisation des bâtiments, désartificialisation des sols.

Verticaliser l'immobilier commercial et logistique permet par ailleurs de créer de nouveaux espaces verts ou renaturés : de nouvelles capacités de stockage de carbone.

Ce sont certes des choix financiers et techniques pour les utilisateurs, mais qui entreront dans le bilan carbone des entreprises soumises à des réglementations environnementales de plus en plus exigeantes (CSRD notamment).

La biodiversité ne peut donc pas rester un angle mort de la décarbonation de l’immobilier. Le secteur a besoin pour cela de nouveaux indicateurs clairs pour formaliser l’engagement de l’entreprise pour la biodiversité, condition sine qua non d’une véritable performance environnementale et financière de l’immobilier.