D’un fonds de dotation à une foncière solidaire, Fratries vient de franchir le pas. Créée par Emmanuel de Carayon et Aurélien L’Hermitte, l’entreprise sociale propose un concept de coliving unique à ce jour, où des jeunes actifs avec et sans handicap se retrouvent sous le même toit. « Fratries a été créée en 2020 sur le constat que 600 à 700 000 personnes en situation de handicap mentaux et de troubles autistiques en France. Les jeunes naissent et grandissent très majoritairement dans leurs familles, entourés de frères et sœurs sans handicap. Une fois adultes, il n’y a quasiment pas de lieux de vie ou de travail qui leur permettent de vivre aux côtés de personnes non handicapés », expose Emmanuel de Carayon, un ancien de Café Joyeux.
Aussi, la structure détenue à 100 % par un fonds de dotation s’est donnée pour mission de faire cohabiter jeunes actifs avec ou sans handicap au sein d’un même immeuble. Plus exactement dans des maisons de 400 à 500 m2, adaptées pour 10 à 12 personnes autour d’un concept de coliving. « Attention, les jeunes actifs qui nous rejoignent viennent d’abord pour se loger, pas pour faire œuvre de charité, prévient Emmanuel de Carayon. Notre parti-pris est de faire changer les regards sur le handicap et montrer que nous pouvons tous vivre ensemble. »

À fin 2024, Fratries aura ouvert six maisons à Rennes, Nantes, Versailles, Colombes, auxquelles va s’ajouter une adresse parisienne dans le courant de l’année 2025. Le mode de financement de ces maisons s’appuie sur un modèle collaboratif où les investisseurs immobiliers acquièrent les maisons, financent les travaux de rénovation et les mettent à disposition de Fratries en échange d’un loyer solidaire. En parallèle, l’accompagnement social proposé aux colocataires avec handicap, la moitié des 64 colivers, est soutenu par des financements publics, notamment des départements et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) via l’aide à la vie partagée. Enfin, un dernier pan du financement est assuré par les mécènes, parmi lesquels on va retrouver un certain nombre de fondations, dont celle du Crédit mutuel Alliance Fédérale ou encore de la famille Bettencourt Schueller.
En créant une foncière solidaire, l’entreprise sociale veut passer à l’étape supérieure. Le fonds de dotation Fratries a levé 8 M€ auprès de Safran, la Banque des Territoires, la Fondation Gratitude abritée par la Fondation Caritas France et Ampère Gestion pour le compte de la Maif. Cet equity permet de financer l’achat de trois nouvelles maisons, dont une première de 420 m² à Bourg-la-Reine (92), pour y loger 14 jeunes actifs.
Dans cette levée de fonds, Fratries a été accompagné pro bono par Rothschild & Co dans le cadre de la structuration de la foncière (Édouard Corbière et Jennifer Lemarié), par Osborne Clarke pour la partie juridique (François Régis Fabre-Falret, Julia Gaspard, Emmanuel Farrugia, Florent Gurlie et Nafissatou Diop) et BCLP pour la partie fiscalité (Christine Daric).
« Notre ambition est d’ouvrir une vingtaine de maisons Fratries d’ici cinq ans à travers l’Hexagone », informe Emmanuel de Carayon. Angers, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Lyon, Strasbourg, Lille ou encore Montreuil devraient compléter le maillage territorial. Pour cela, il faudra réaliser de nouvelles levées de fonds et convaincre des investisseurs de rogner sur leur TRI – la rentabilité nette tournant autour de 2 % – pour développer le « s » de leur stratégie ESG. On pourrait y ajouter deux « i » : pour immobilier et inclusif.