Business Immo : Quel bilan tirez-vous des vingt ans d’Apsys ?
Maurice Bansay : L’histoire d’Apsys, c’est d’abord celle d’un entrepreneur français qui arrive en 1996 en Pologne seul, sans contact ni projet, mais avec une conviction chevillée au corps : la volonté de créer une structure spécialisée en immobilier commercial dans un pays qui découvre la consommation de masse. Vingt ans après, Apsys est devenue la première société d’immobilier commercial en Pologne, avec un portefeuille de 22 centres commerciaux sous gestion et des opérations aussi emblématiques que Manufaktura en 2006 ou Posnania, qui va ouvrir à l’automne prochain.
Le parallèle entre ces deux projets est d’ailleurs révélateur. Avec Manufaktura, Apsys a fait d’une saga industrielle un lieu de destination et de commerce. Avec Posnania, nous inventons le centre commercial du XXIe siècle, un lieu de théâtralisation de l’offre commerciale, de loisirs et de services. Ce dernier opus sera différenciant
au niveau européen. À six mois de l’ouverture, Posnania, qui accueillera plus de 300 locataires, est déjà loué à hauteur de 90 %, témoignant ainsi de l’adhésion pleine et entière des enseignes pour ce nouveau concept.
Après 1996, 2003 aura été une 2e date clé dans l’histoire d’Apsys avec notre retour en France. Auréolé de notre parcours en Pologne, dix-sept ans après, nous nous lançons dans la compétition en remportant plusieurs appels d’offres à commencer par celui, très prestigieux, de Beaugrenelle. Une autre histoire peut commencer. Apsys a dans l’Hexagone un plan de développement très nourri, qui le positionne comme un leader de l’immobilier commercial français.
Ces positions respectives ne nous empêchent pas de nous considérer encore comme une entreprise artisanale qui agit comme une start-up avec une émulation permanente et obéissant à des valeurs inchangées : passion, ambition, détermination, créativité et respect.
BI : Pologne-France : vous êtes l’un des seuls opérateurs à avoir adopté ce chemin. Faut-il le voir comme une stratégie ou juste comme une opportunité ?
MB : Cette double nationalité, cette double culture, ce chemin très particulier, c’est notre ADN mais c’est aussi ce qui a posé les fondamentaux d’Apsys. En 1996, nous avons décidé de miser sur l’Europe de l’Est car le contexte législatif et réglementaire en France ne nous permettait pas de nous développer. En Pologne, nous ne connaissions ni la langue ni le pays mais à force d’écoute, d’attention et de vigilance, nous avons réussi à accoucher du projet le plus adapté aux consommateurs finaux. C’est cette approche qu’Apsys a ensuite exportée en France, celle de projets différençiants.
BI : Apsys a traversé, au cours de la crise post-Lehman Brothers, des années difficiles. Quel bilan tirez-vous de cette épreuve ?
MB : Au même titre que des milliers d’entreprises et notamment des PME en France, Apsys a connu un trou d’air dans les années 2008 et 2009. Dans un contexte difficile, alors que nous n’avions pas commis d’erreurs stratégiques, notre principale caution financière – la Foncière Euris, elle-même en difficulté – s’est désengagée, contrainte et forcée auprès d’Apsys. Il n’y a pas, pour un entrepreneur, de plus grande déchirure que de séparer de bons éléments pour des raisons extérieures. Je dois dire que ceux qui sont restés ont fait preuve d’une solidarité exceptionnelle et d’une loyauté sans faille. C’est cet état d’esprit qui fait aussi la force d’Apsys. La signature d’accords, en 2010, avec Sogecap (filiale de la Société Générale), nous a permis de financer nos projets. Lorsque les conditions économiques et financières étaient à nouveau réunies, Foncière Euris est revenue dans le projet Posnania dont elle détient aujourd’hui 27 % des parts.
BI : Après les épreuves, Apsys a rebondi en 2014. Comment analysez-vous ce virage ?
MB : Comme un virage stratégique puisqu’Apsys a repositionné son modèle de promoteur (qui vendait ses centres commerciaux) vers un modèle de foncière de développement avec la vocation de rester propriétaire de ses actifs. Ce repositionnement a permis d’asseoir l’entreprise sur des bases solides avec, en 2016, un patrimoine valorisé 1,7 Md€ et qui grimpera à 2,7 Mds€ d’ici 2020. En effet, trois nouveaux actifs – Posnania, Vill’Up et Muse – vont entrer dans le patrimoine en 2016 et 2017. Parallèlement, trois nouvelles opérations
sont lancées : Neyrpic près de Grenoble, Steel à Saint-Etienne et Eden à Servon. 2014 restera également l’année de l’acquisition de 40 % de Beaugrenelle et du lancement de Posnania, un projet qui pèse pour plus de 400 M€ d’investissement.
BI : Quelle est désormais votre feuille de route en France comme en Pologne ?
MB : Ce virage stratégique se traduit, pour Apsys, par des fondamentaux financiers plus solides avec, d’ici 2020, 144 M€ de loyers gérés (dont 90 M€ pour son propre compte), un positionnement de propriétaire final avec des opérations emblématiques qui vont peser sur le marché et un renforcement de nos compétences par l’arrivée de nouveaux collaborateurs de grande qualité.
L’ambition n’est pas de croître pour croître mais de rester concentrés sur des projets d’exception, atypiques, iconiques avec la volonté d’étudier d’autres marchés. Notre savoir-faire va incontestablement s’exporter. Entre 1996 et 2009, il fallait exister. Entre 2009 et 2014, il fallait rebondir. D’ici 2020-2025, nous allons élargir notre focale géographique ailleurs qu’en Pologne et en France.
BI : Vous êtes un formidable observateur de l’évolution du commerce en France. Vous considérez-vous comme un spécialiste du retail park ou du centre commercial ?
MB : Historiquement, nous sommes de grands spécialistes du centre commercial en milieu urbain dans un cadre mixte dont Muse est l’archétype même. Puis, nous avons découvert dans le produit retail park des critères communs aux deux démarches : intégration urbaine, qualité architecturale, espace de services... Avec une conviction qui fait son chemin : le retail park contribue à rendre la ville et la vie plus belles.
Pendant des décennies, on a vécu sur le seul modèle du centre commercial hyper + galerie marchande. Énorme succès en France, il s’est exporté en Europe du Sud. Ce modèle-là ne correspond plus aux attentes des consommateurs. En basculant de l’ère industrielle à l’ère numérique, nous vivons une période de mutation. Cette mutation fondamentale, chez Apsys, nous l’avons comprise et anticipée. La conception de Posnania en témoigne. Avec du commerce mais aussi une architecture qualitative, 50 restaurants, une piscine, des cinémas et tellement plus, il est la démonstration parfaite que nous ne consommons plus mais que nous voulons vivre une expérience riche. Dans un monde qui se déshumanise, le centre commercial reste un élément de lien et de liant où l’on peut vivre des échanges mais aussi des émotions.
BI : Apsys est une entreprise familiale et indépendante. Va-t-elle le rester ? Et quid de votre succession ?
MB : Absolument. Ma famille et moi-même détenons plus de 99 % de l’entreprise et entendons bien les conserver. Notre positionnement est effectivement celui d’une entreprise indépendante et familiale car j’estime qu’il représente une valeur d’avenir dans un monde qui s’est beaucoup financiarisé. Ce modèle a une vraie légitimité. Je veux le cultiver. Mon neveu – Fabrice Bansay, qui a été CEO en Pologne pendant cinq ans et travaille
dans l’entreprise depuis seize ans – revient prochainement en France pour partager la direction générale avec moi. Mes deux enfants ont, pour leur part, rejoint le groupe il y a déjà trois ans.
Quant à ma succession, elle n’est pas, vous l’avez compris, d’actualité. La retraite est un mot que je ne connais pas et ma passion pour ce métier est intacte. Deuxième chose : toute ma vie, j’ai privilégié la compétence. Quand se posera la question de ma succession, soit la famille est compétente et elle reprend le flambeau, soit je choisirai des collaborateurs en interne. Je veux dire que j’ai la chance d’être entouré par une équipe de très grande qualité. Patron engagé, je donne de la valeur à l’engagement.
BI : Quelle est la marque de fabrique d’Apsys ? Et quelles sont les qualités qui vous définissent ?
MB : Apsys reste et restera un pure-player de l’immobilier commercial. Je suis un commerçant dans l’âme et le commerce me passionne et mobilise toutes nos énergies. La clé de notre succès réside dans notre positionnement mais aussi dans notre méthode cousue main.
Pugnacité, détermination, patience sont les premières de mes qualités. Et elles sont nécessaires dans le monde très lent de l’immobilier commercial. La créativité et l’innovation sont aussi des qualités propres à Apsys. L’immobilier commercial est l’un des seuls secteurs qui ne peut pas être industrialisé ou standardisé. Ce qui nous oblige, en permanence, à nous réinventer.
10 juin 2016 | 13:34 CET
« L’immobilier commercial est l’un des seuls secteurs qui ne peut pas être industrialisé ou standardisé »
Maurice Bansay
Apsys

Par Sandra Roumi
Business Immo
L’abonnement Business Immo c’est :
Des contenus à 360° 2 080 articles premium en 2023 1 200 transactions révélées en 2023 +29 000 de fiches contact dans notre annuaire
Avantages exclusifs
Profitez d’avantages exclusifs tout au long de l’année avec des offres sur-mesure et des prix dégressifs en fonction du nombre de licences souhaitées.
Un accès illimité à toute l’actualité de l’industrie immobilière
Grâce à votre licence Business Immo, profitez des dernières actualités du marché en temps réel
Demande d'information
Notre équipe aura le plaisir de vous contacter rapidement afin de vous faire découvrir l’ensemble de nos avantages.
SUR LE MÊME THÈME
LIENS CONNEXES
- Personnes citées
- Maurice Bansay
Président Fondateur, Financière Apsys